Réagir


Réagir, il est toujours temps pour ça. D’ailleurs, foutre ! Le temps n’a rien à voir là-dedans. Il n’est que l’intrus dans le cours des choses qui fait que les choses ont un cours. Négligeable, donc.

Pour réagir, que faut-il prévoir comme ingrédients, alors ? Peut-être une petite dose de larmes sur lesquelles s’asseoir. Quelques lampées d’auto-apitoiement auxquelles renoncer, sûrement. Et ça doit suffire pour le fond de sauce. Ensuite, il s’agit de trouver le catalyseur qui déclenche l’explosion. Culinairement parlant, ce pourrait être une sorte d’émulsifiant. D’un point de vue lyrico-nautique, c’est ce que l’on pourrait appeler l’enclenchement du taquet de sécurité pour cas de dérive périlleuse. S’agissant des affaires amoureuses, il semblerait que ce soit inévitablement une forme d’overdose. Qu’elle penche vers la saturation des instincts masochistes ou vers le basculement de la patience à l’irritation, c’est toujours le franchissement d’une limite.

Dans la vie en général, il y a de ces moments où les plus petits détails prennent des proportions à ce point dramatiques qu’arrive un abandon paradoxal : c’est un genre de réflexe. Le cœur se met à s’emballer, les enjeux mineurs semblent devenir vitaux et finalement, quand ça commence à être un excès complètement absurde, ça cesse brusquement d’être, ça n’a plus la moindre importance. On s’assied, les battements retrouvent une allure plus humaine et les obstacles se transforment en simples déviations, c’est à dire, après tout, en occasions de découvrir des paysages moins érodés par l’habitude.
C’est aussi ça, réagir. Regarder le labyrinthe d’en haut pour mieux en percevoir la ridicule futilité.

Dans tous les cas de figure, réagir, c’est en premier lieu se détacher jusqu’à sentir assez pleinement que l’on n’a vraiment rien à perdre.
Finalement, il est toujours temps de prendre conscience qu’à ne plus avoir peur de perdre, on finit le plus souvent par y gagner.

D’ailleurs, foutre ! Le temps n’a rien à voir là-dedans…