Quelques lignes ne suffiraient pas à retracer l’histoire des religions, à en décortiquer le fonctionnement et les incohérences. La bonne nouvelle, c’est que quantités de personnes plus qualifiées et, Dieu merci (sic), plus besogneuses, se sont penchées sur la question.*
Quelques lignes ne suffiraient pas non plus à détailler la dangerosité des religions, leur morbidité. Bellicistes par le seul fait de leur prosélytisme agressif, misogynes sans exception, avec une passion pour l’âme nécessairement accompagnée d’une haine du corps, un amour de la mort et des fantasmes d’après-vie dont découle nécessairement une haine de la vie – la seule qui soit -, un goût prononcé pour la docilité, et la défiance assortie vis-à-vis de l’émancipation cérébrale… les religions sont tout cela et plus encore. Argument suprême pour achever d’attirer à elles les indécis de la foi, elles se posent comme unique morale possible, garantes de la paix humaine.
Les religions s’entredéchirent, elles ont fait de tous temps la course à la conversion, mais elles ont un ennemi commun : l’athéisme. Certaines tolèrent localement la laïcité, mais l’athéisme… oh, faut pas pousser Sa Sainteté dans les orties ! Pour certains, l’athée est l’incarnation du diable, la tentation du mal, qu’il faut trucider sans chercher à discuter, pour d’autres il est un être amoral, socialement dangereux, ou encore un malheureux qui n’a pas eu la chance de goûter à l’illumination de la foi. Défiance, mépris, haine, peur, pitié et, au mieux, condescendance.
La peur a quelques raisons d’être car, non, l’athéisme ne tue pas des hommes au nom de ses idées, il tue des idées au nom des hommes. C’est sans doute un péril bien plus menaçant.
L’athéisme n’est pas une religion, pas un dogme. On ne se raccroche pas à lui pour le confort. Il est inconfortable dans un premier temps (proportionnellement jubilatoire ensuite). Les athées n’ont généralement pas l’instinct grégaire. Ils peuvent se réunir pour mener des réflexions collectives, peuvent ressentir un plaisir à reconnaître des pensées amies, à cause du sentiment d’isolement, de leur minorité numéraire, mais ils n’ont pas de lieux de culte, d’idoles, de signes de reconnaissance, de livres de loi, de rites d’initiation (même si la tentation existe chez certains, cf. chronique intitulée « Le baptême des athées », mais elle disparaîtrait en même temps que le sentiment d’isolement susmentionné et n’est en rien nécessaire à la pensée athée). Les athées n’ont pas de gourous, de maîtres à penser, tout juste peuvent-ils s’appuyer sur les rares penseurs athées médiatisés de l’époque, infiniment utiles pour l’énorme travail de recherche qu’ils accomplissent, et sur une bibliographie somme toute assez limitée, qu’ils considèreront comme des sources d’informations, critiquables, confrontables aux réalités. Aucune parole n’est sacrée, aucune ne fait loi. Toutes sont « food for the brain », des croquettes pour la matière grise, du fuel pour les méninges, des données à compiler pour se construire une morale propre.
Car en effet, dire que l’athéisme n’est pas une morale per se ne revient pas à dire qu’il est amoral. Ne dictant pas des lois préétablies, on peut estimer qu’il laisse chacun libre d’amoralité. Pourtant, je ne crois pas une seconde qu’un être social aspire à l’amoralité (ou en soit même capable). Je pense au contraire que l’invention de règles de vie est un penchant animal, affiné chez l’animal humain, mais non moins inhérent à toute vie en meute. L’athéisme invite à fonder sa morale sur une réflexion humaine et non sur des préceptes divins. « Quelles règles peuvent rendre les hommes heureux ensemble » versus « comment plaire à un dieu et m’assurer une place au chaud dans son paradis ». L’athéisme réfléchit, la religion menace.
Et parfois, il peut arriver que les conclusions se recoupent : ne pas tuer est un moyen intéressant de vivre dans une société humaine supportable (ceci dit, les religions font quelques exceptions, côté meurtre). Bien sûr, on pourra trouver plus reposant, voire plus cohérent, d’adopter d’emblée la morale (plus ou moins religieuse) construite par la société dans laquelle on échoue à la naissance. Problème, la morale religieuse est figée dans le temps, incapable d’évoluer, obligée de faire rouler des voitures à cheval sur ses autoroutes et des bolides surpuissants sur des chemins de caillasse. L’athéisme, le détachement de cette morale statufiée, autorise les réajustements, les remises en cause, seul moyen d’évoluer vers un mieux, par tâtonnements, dans l’intérêt de tous.
Reste pour moi une petite question… Sur la planète bêta, il est impossible de « naître athée ». J’entends par là grandir dans un athéisme acquis, sans avoir à se poser jamais la question de la religion et des croyances. Même celui qui voit le jour dans une famille athée est confronté rapidement à un monde qui ne l’est pas, en grande majorité, et dont les rouages ne le sont certainement pas. Celui-là, sans doute plus que d’autres, aura la chance de pouvoir s’interroger. Il n’empêche : qu’en serait-il s’il n’avait pas du tout à s’interroger sur cette question-là ? Ma planète 2.0 est un petit laboratoire passionnant, puisque l’athéisme y est universel.** C’est l’occasion de consacrer tous ces esprits englués à des réflexions constructives, tout un tas de cerveaux rendus soudainement disponibles dès la première heure pour plancher sur les moyens de rendre leurs vies meilleures. Et pourquoi pas ?
* On trouvera, par exemple, pléthore d’informations sur les sites suivants :
http://pagesperso-orange.fr/michel.onfray/accueilonfray.htm
http://www.fairelejour.org
http://www.rue89.com
http://www.rationalisme.org/french/index.html
http://www.bible.chez-alice.fr/
http://www.atheisme.org/index.html
http://atheisme.free.fr/Atheisme/Liens.htm
Liste bien sûr non exhaustive
** Je suis sûre qu’il s’en trouve au moins un qui a marmonné « et si c’est pas se prendre pour Dieu, ça, vouloir créer sa petite planète à soi selon son bon vouloir ! »
Et vous savez quoi ? No comment.