À trop crier au loup

Mais sinon… on est bien d’accord que
ceux qui auraient l’intention d’entrer en guerre avec la France,
s’ils sont malins,
ils lanceraient l’offensive à midi
le premier mercredi du mois… non ?

La faillite du doute

Le plus désolant, je crois, n’est pas la hauteur vertigineuse de la barre orange –car oui, manifestement, il faut le préciser : la nicotine est addictive, mais non, elle n’est pas cancérigène. Le plus affligeant, c’est la taille ridicule de la barre grise, celle de l’humilité, de ceux qui savent qu’ils ne savent pas.

Bien sûr, idéalement, il serait préférable que la barre bleue crève le plafond. Fumeurs ou non, le tabagisme nous concerne tous, puisque c’est une question de santé publique de premier plan. Et on ne lutte pas contre un tel fléau en se fondant sur des mensonges. D’autant moins lorsque cela revient à diaboliser l’outil le plus efficace pour la sortie du tabagisme (méta-analyse à l’appui – pour info, la méta-analyse est le plus haut niveau de preuve scientifique).

Les personnes averties (j’entends par là, les rares personnes qui ont suivi le film de la campagne éhontée menée contre la vape à travers le monde, à deux ou trois pays près) pourraient penser que ce graphique est la simple conséquence de la désinformation massive égrenée par diverses autorités de santé, associations prétendument anti-tabac et autre milliardaire anti-vape. Et c’est effectivement ce qui explique, pour beaucoup sans nul doute, le graphique ci-dessous.

En revanche, pour le premier graphique, je pense que le mécanisme en jeu est plus complexe.

Même les acteurs cités ci-dessus, ces grands complices de ce qui est peut-être le plus grand scandale sanitaire de tous les temps, même eux, me semble-t-il, ne poussent pas jusqu’à affirmer que la nicotine est cancérigène. Ils n’ont pas de scrupules à affirmer d’autres mensonges mille fois réfutés (« effet passerelle » et compagnie), mais ça, non, pas que je sache. Il faut dire que pour les autorités de régulation des médicaments, cela reviendrait à dire qu’ils ont autorisé la mise sur le marché de produits cancérigènes (en vente libre !) depuis des décennies, puisque les substituts nicotiniques (gommes à mâcher) auraient reçu leur première AMM en 1986 en France.

Alors quoi ? Comment en arrive-t-on à avoir plus de 8 personnes sur 10 convaincues de la cancérogénicité de la nicotine ?

Le cerveau humain est ainsi fait qu’il n’aime pas rester dans l’expectative, le doute, le flou. Il faut avoir une opinion, sur tout, même si cette opinion doit être sculptée dans le marbre de notre ignorance.

Alors, vite fait, ça peut donner tout bêtement : clope = nicotine, clope = cancer, donc nicotine = cancer. C’est simple, c’est propre, ça marche. Faux, mais heuristiquement efficace.

La méfiance à l’encontre de la vape a malgré tout pu jouer également un rôle, par association (en oubliant encore une fois les nombreux autres produits de sevrage à base de nicotine, dûment évalués et autorisés).

Néanmoins, je propose à mon tour une autre équation :

aversion pour le doute / impérieuse nécessité de se faire un avis, et vite
+
immuabilité disproportionnée des opinions, même (surtout ?) fondées sur du vent
+
influence des pairs / auto-entretien de l’opinion majoritaire
+
x*
=
persistance dans l’erreur.

* Où x = la part de mon ignorance


Si les hauteurs des barres grises et oranges avaient été inversées, j’aurais regretté un peu le manque d’information du public. Mais diantre ! que j’aurais été rassurée : il est bien plus « facile » de renseigner quelqu’un qui ne sait pas que de faire changer d’avis quelqu’un qui croit savoir.

Pour ma part, je crois savoir par exemple que la faillite du doute, la réticence à dire sincèrement « je ne sais pas », est le ferment d’une bonne part des fléaux dans lesquels l’humanité aura été amenée à patauger au cours de son histoire. Essayez voir de me faire changer d’avis !




Graphiques issus de l’enquête annuelle de Sovape : https://www.sovape.fr/bva-2023-vapotage-nicotine-epidemie-doute/

Scientisme

Définition TiLF : « Attitude consistant à considérer que toute connaissance ne peut être atteinte que par les sciences, particulièrement les sciences physico-chimiques, et qui attend d’elles la solution des problèmes humains »

Scientiste, moi ? Alors, oui. Mais non.

Je pense effectivement que la méthode scientifique (et non « les sciences ») est la plus efficace pour produire des connaissances scientifiques relativement solides. Et je pense, je constate, qu’elle a apporté des solutions à certains problèmes humains.
Pour autant, je ne pense pas qu’elle soit compétente pour produire « toute connaissance » et solutionner n’importe quel problème humain, ni qu’elle ait vocation à le faire.

L’expérimentation scientifique, même non formalisée à ses débuts, a été le moteur des « progrès » de l’humanité. Fallait-il vraiment que l’humanité emprunte ce chemin ? Ces « progrès » étaient-ils en réalité une déchéance ? Ces questions-là sont sûrement légitimes, mais elles ne relèvent pas de la science.

Tout ça pour dire…

Non, cher ami, je n’idolâtre pas la science. La science est faite par des humains, elle est donc capable du meilleur comme du pire. En revanche, je reste convaincue que la méthode scientifique est la plus fiable pour produire de la connaissance scientifique et que, oui, la connaissance scientifique est utile, car elle offre des prémisses rationnels à nos raisonnements, y compris ceux qui ne relèvent pas de la science.*

Et là, je me rends compte qu’en écrivant ce maudit mot, « rationnels », je vais me trouver obligée de produire un prochain billet sur… le rationalisme… [soupir]

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* Un exemple ? Avec plaisir !
Mettons que vous voulez décider si la vaccination contre une maladie X doit être rendue obligatoire. Cette question n’est pas une question scientifique. Elle peut être politique, sociétale, philosophique ou que sais-je encore. Néanmoins, si vous faites reposer votre argumentation sur des données erronées (au hasard « le vaccin provoque l’autisme, la sclérose en plaques ou le contrôle de votre cerveau via une puce 5G »), la décision que vous prendrez n’aura aucun fondement logique.
Vous pouvez en revanche argumenter que l’obligation vaccinale est attentatoire aux libertés. La science n’a rien à dire là-dessus. Moi si, mais c’est un autre sujet.

Mauvaise mémoire

Celui qui pense avoir une bonne mémoire s’expose davantage au risque de se fourvoyer. Tout simplement parce qu’il lui accorde une confiance aveugle. Or, qu’on la pense bonne ou qu’on la sache faillible, notre mémoire nous trompe, inéluctablement.

Et pourtant, nous avons besoin d’elle. Pour construire notre vie, pour écrire notre fable personnelle, pour élaborer notre être au monde, pour penser, pour ressentir, pour réfléchir.
Notre fondation : un château de sable, mouvant.

J’avais écrit, pour la chanson Recuerda  : « Nuestras memorias están tan llenas de las mentiras de nuestras amnesias » (Nos mémoires sont tellement pleines des mensonges de nos amnésies).
Il faut croire que les personnes, comme les peuples, bâtissent leur histoire sur des mensonges.

Peut-être n’est-ce pas si grave. Peut-être est-ce même nécessaire, parfois. Je crois, néanmoins, que l’on gagne toujours à rester lucide, même lorsque l’on se ment.

Réflexion inaboutie sur l’impudeur

À première vue, cette photo pourrait sembler impudique. Et pourtant, on n’y voit rien que la bonne morale chrétienne soit susceptible de réprouver. Rien de plus que ce que pourrait dévoiler une tenue de soirée ou de plage, et encore. Mais bien sûr, c’est ce que l’on ne voit pas qui rend l’image « suggestive ». Ainsi que ce que l’on déduit de la position du bras, qui semble vouloir cacher quelque chose, alors qu’il n’en est rien : elle ne fait que montrer le dessin du tatouage.
Mais quand bien même.
L’impudeur est-elle un crime, un péché, un défaut de caractère ?

Savez-vous qu’en anglais, le même mot, « modesty », peut traduire l’idée de « pudeur » et de « modestie » ?
Plus perturbant encore, ce que mes dictionnaires me donnent pour l’impudeur : « indecency », « shamelessness » pour l’un, et « audacity », « cheek », « immodesty », « impropriety », « impudence », « nerve » pour l’autre.
Quand je vous dis que nous sous-estimons toujours les valeurs portées par le langage… Les mots ne sont pas, ne sont jamais, de simples outils innocents.

Bref. M’est avis que.
L’indécence n’existe que dans les yeux de celui qui regarde.
In all modesty, let’s be immodest.

L’amour dure trois ans

Si vous êtes de ceux qui pensent vraiment que l’amour dure trois ans… peut-être n’avons-nous pas la même définition de l’amour.

Bien sûr, cette chose que vous prenez pour de l’amour, elle est belle, elle est jouissive. Un peu fourbe aussi, parée de tous les atours de l’illusion. Vouée donc à s’évaporer. Et venu ce moment fatidique, vous en concluez que l’amour est mort.

Quelle erreur !

Si amour il y a, si amour il doit y avoir, c’est précisément là qu’il prend naissance, fragile et balbutiant. Lorsque peu à peu vous cessez de fantasmer l’autre et que vous tombez amoureux de sa vérité brute.
Aux premiers jours, quand vous voyiez briller ses yeux, vous vous sentiez tout chose. Lui plaire, c’était la grande affaire. Le temps passant, le temps passé, quand vous voyez briller ses yeux, c’est une toute autre affaire. Ce n’est plus votre reflet que vous y voyez, c’est son bonheur à lui.

Vous n’êtes plus amoureux d’une idée, vous êtes amoureux d’une personne.

#metoo, mon cher Sigmund

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-les-fantomes-de-l-hysterie-histoire-d-une-parole-confisquee

Où l’on découvre que ce cher Freud aurait peut-être pu ne pas si mal tourner. Si seulement…

Pour faire simple :

Il a assisté avec le plus grand intérêt aux freak shows, pardon, aux leçons de Charcot, qui exhibait ses « hystériques ». Contrairement à ce dernier, il n’est pas resté sourd aux mots de ces femmes et a noté qu’il y était systématiquement question de violences sexuelles, d’abus. Il en a déduit que cet état devait découler de ces traumatismes.

Et puis…

Lorsque, ensuite, il a reçu ses bourgeoises (celles qui paient), il a fini par se dire que non, ce n’était point possible qu’elles soient si nombreuses à avoir été violentées. Et puis, que leurs gentilhommes de pères, d’époux, etc., ne seraient point capables de telles choses, non, non.

Alors…

C’est là que c’est parti en cacahuète.

Pour réconcilier ses dissonances, il a conclu que ce n’était donc pas nécessairement l’acte qui les avait mises dans cet état, mais… le fantasme de l’acte.

Et voilà comment Monsieur Sigmund est passé du côté obscur.
Peut-on l’en blâmer, plus d’un siècle avant la « libération de la parole », alors qu’aujourd’hui encore, certains ont du mal à accepter l’ampleur de la chose ?

Oui.

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Ce « détail » mis à part, il est question dans ces émissions d’endométriose, de femmes battues, d’épilepsie, de troubles neurologiques, de psychanalyse, de justice, de politique, de spectacle, d’histoire, et plus encore, disant en filigrane une misogynie qui décidément ne veut pas passer son chemin, même à l’ère de #metoo. Tant qu’il reste en ligne, allez donc y jeter une ou deux oreilles. Vous en ressortirez grandis.

Fleurir en hiver

Ce qui rend la mousse à mémoire de forme si plaisante, c’est qu’elle réussit l’exploit d’être tout à fait molle et, dans un même temps, d’opposer une irréductible résistance à la pression.

Somehow, I can relate.

Fatalité

Dieu est le nom que certains donnent à la fatalité. Mais la fatalité n’est pas un dieu. Pour preuve, elle existe.

Et s’il est stérile de l’idolâtrer ou de la craindre, il est utile en revanche d’apprendre à la connaître pour en déceler les discontinuités, car elles sont les seules portes vers une certaine forme de liberté.

Lorsqu’on en a le luxe, s’entend.