Les autres

Je n’ai jamais vraiment compris les instincts grégaires qui poussent tant de gens à se chercher une «  famille identitaire  » ou s’y accrocher si fermement quand ils n’ont pas eu besoin de la chercher. Mais plus encore, je trouve étrange ce besoin de nommer ceux qui ne font pas partie de la dite famille.

Cis, goys, provinciaux, allopathes, extraterrestres, gadjos, neurotypiques, etc.
Quèsaco  ?
Qu’on parle de genre, de sexe, de géographie, de religion, de diagnostic médical ou d’autre chose, c’est toujours pareil. Il s’agit de «  tous ceux qui ne sont pas…  », les autres. Pas une catégorie en soi, mais un ensemble artificiel dont la seule caractéristique commune est de ne pas faire partie d’une minorité donnée (qui parfois est elle-même composite). On parle donc, par définition, d’un ensemble hétérogène qui, s’il devient le sujet d’une quelconque phrase, risque fort de nous plonger tout droit dans une essentialisation paradoxale.

L’essentialisation est, nous dit-on, «  l’acte de réduire un individu à une seule de ses dimensions  ». Quand cette seule dimension est la non-appartenance à un groupe (aux contours pas toujours si clairs), on frôle le ridicule. Où est l’essence  ?

Alors, il y a peut-être des contextes dans lesquels l’utilisation de ce genre de mots peut se justifier (au-delà de la tautologie, s’entend, car certes, un provincial n’est pas parisien – encore que, dans mon cas, ça peut se discuter), mais dans l’ensemble, je ne vois que du danger intellectuel dans la nécessité de désigner les autres comme une entité définie.

De la même façon qu’on n’a jamais raison de commencer une phrase par « les Français sont », « les Français pensent que », « les Français veulent » ou toute autre généralisation de cet acabit, quand bien même nous le faisons tous à l’occasion, par facilité.

Certains diront : « Elle est chiante, celle-là, à toujours pinailler sur les mots ». Bah ouais, mais les mots sont bien plus que les briques de la pensée. Ils sont des armes rhétoriques. Ils peuvent tout autant servir la pensée que l’asservir. L’ignorer, au mieux, c’est se faire esclave d’une pensée qui ne nous appartient pas, car si vous ne voyez pas ce qui se cache derrière un mot, vous n’êtes que l’aveugle qui pense que les couleurs n’existent pour personne.

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