Il y a une chose que les médecins ne semblent pas apprendre au cours de leurs longues études : dire « je ne sais pas ».
Et pourtant, si un jour, vous vous êtes entendu dire que vous aviez une maladie ou un trouble idiopathique, c’est exactement ça qu’il fallait comprendre. Le médecin vous confirme que vous avez un truc, bénin ou pas, passager ou pas, mais il/elle n’a foutrement aucune idée de la cause de ce truc et probablement guère plus de la meilleure façon de vous aider. Son seul espoir est que ce mot, avec ses nobles racines grecques et sa gueule de diagnostic, suffise à vous apaiser.
Sauf que ce mot est l’exact opposé d’un diagnostic. Il est le symptôme d’une médecine qui refuse d’admettre son ignorance dans la langue du patient.
Peut-être que la force de cet effet contextuel (plus connu sous le nom d’effet placebo) par la reconnaissance du mal et le chic de l’étiquette peut fonctionner chez certains patients. J’ai tout de même un doute, dans la plupart des cas.
Ainsi, j’ai eu le bonheur de me faire diagnostiquer il y a bien longtemps une splendide « colopathie fonctionnelle idiopathique ». Le gastro-entérologue avait l’air assez satisfait. Bien sûr, il ne savait pas que le déchiffrage du jargon médical était le cœur de mon métier.
Quant à moi, donc, je suis repartie avec mon « mal de bide chronique inexpliqué » et la certitude que mes désagréments digestifs n’auraient pas été aggravés par un diagnostic plus honnête du type : « je suis désolée, madame, je ne sais pas ».
En revanche, mon estime pour ce professionnel de santé en eût été grandement améliorée.
Petite proposition de script à destination des médecins trop friands d’idiopathisme :
Votre souffrance est bien réelle, mais malheureusement, je n’ai pas réussi à en identifier la cause. Je vous ai prescrit tous les examens pertinents pour vérifier qu’il n’y a rien de grave. Les résultats sont rassurants. C’est tout de même une bonne chose, même si ça ne fait pas disparaître le problème. Nous pourrons chercher ensemble [ou je pourrai vous orienter vers des collègues pour chercher] des moyens empiriques d’atténuer votre souffrance au quotidien. Vous pouvez aussi vous rapprocher d’associations de patients, qui pourraient avoir des conseils utiles à partager avec vous.
Peut-être qu’à l’avenir, les avancées des connaissances nous permettront de mieux comprendre et traiter ce dont vous souffrez. En attendant, j’espère que vous trouverez des moyens de mieux vivre avec et nous ferons tout notre possible pour vous y aider.
C’est sûr, c’est plus long. Mais je suis sûre que l’effet placebo n’en serait que renforcé.