Cher Kenji Girac.

L’avantage d’un blog sans lecteur, c’est qu’il peut tout se permettre. Alors voilà.

Très cher Kenji Girac,
Hier, à la radio, je t’ai entendu dire « J’ai peur du vaccin. Je n’aimerais pas trop me faire vacciner. »
On ne se connaît pas, mais j’ai cru comprendre que tu revendiquais un sens aigu de la famille, du partage, du cœur, de l’amour de ton prochain. Dans ce cas, par pitié, sois fidèle à tes valeurs : accepte de te faire vacciner quand tu en auras la chance. Si tu chopes ce foutu virus, il y a de bonnes chances qu’il ne te tue pas. Mais pense à tes anciens, aux plus fragiles que tu peux croiser, même de loin. Fais-le pour eux, pas pour toi. Sois un grand garçon et surmonte ta peur.

C’est humain, d’avoir peur, surtout de ce qu’on ne comprend pas très bien et surtout quand on voit qu’il y a plein d’autres gens qui ont l’air d’avoir peur.
Malheureusement, la journaliste qui t’interviewait n’a pas jugé utile de te demander pourquoi tu as peur.

Hypothèses :

  • C’est trop rapide.

On nous a dit dès le début que ce serait très long, que c’est toujours très long, la mise au point d’un médicament, et là, abracadabra, on nous sort des vaccins en quelques mois.

C’est vrai, beaucoup ont dit ça, et ils auraient sans doute mieux fait de se taire.

En l’occurrence, tu vois, ça n’a pas été si rapide. Ça fait une vingtaine d’années que les chercheurs ont développé et testé des vaccins à ARN. Si tu veux savoir comment ça marche, lis le point 2, et tu comprendras que tout ce qu’il y avait à faire pour développer ce vaccin-là, c’était de donner le bon message à tes cellules. Le principe, on l’avait déjà inventé, testé, tout ça. Il fallait juste étudier le virus de près (ce qui a été fait très tôt) et fabriquer un ARN messager (mode d’emploi) qui corresponde à celui du virus pour que nos propres cellules fabriquent le petit bout dont je parle ci-dessous.

Ensuite, on a accéléré les procédures administratives. Les administrations, elles aiment bien la paperasse, comme tu sais, et elles prennent leur temps pour te répondre. Bon, bah, elles ont bien voulu faire un effort, vu les circonstances. Je peux te dire, je suis traductrice, j’ai participé à la traduction des documents d’information sur le vaccin et, je te jure, on n’a jamais autant speedé. Pas bâclé, hein, speedé. Ça veut dire que mes nuits ont été plus courtes. Et pourtant, je te jure, mon sommeil est sacré.

Et puis, il y a un autre truc, tu vois  : quand ils font les études pour vérifier que ça marche et que c’est sans danger, d’habitude, ça prend des plombes de trouver assez de gens pour participer aux études. Mais là, t’imagines bien, vu le nombre de gens concernés dans le monde, bah ça a été vachement plus facile de trouver des participants pour les études. Ça a l’air de rien, mais ça, ça permet d’aller beaucoup plus vite.

Donc, rapide  ? Oui, tant mieux, mais en fait, pas vraiment, non.

  • Un vaccin à ARN ? C’est flippant, il va changer mon ADN !

Je comprends, ARN, ADN, ça se ressemble. Mais non, ce n’est pas la même chose. Dans tes cellules, l’ADN, le code qui fait de toi qui tu es grosso modo, il est bien au chaud dans le noyau de la cellule. L’ARN n’a pas le laissez-passer, il reste à l’extérieur, dans la soupe qui entoure le noyau, le cytoplasme. Cet ARN, on l’appelle « messager ». C’est mignon, non ? Oui, parce qu’il a un message et il va livrer ce message aux ribosomes. Les ribosomes, tu peux voir ça comme des petites usines, qui fabriquent des protéines. L’ARN messager apporte le mode d’emploi et le ribosome fabrique. En l’occurrence, l’ARN contenu dans le vaccin leur donne les instructions pour fabriquer une protéine qui est présente sur le virus. Juste une protéine, c’est-à-dire un tout petit bout du virus, pas le virus entier. Du coup, tes ribosomes, ils fabriquent ce petit orteil de virus. Et les flics dans ton corps, les petits soldats de ton système immunitaire, ils apprennent comme ça à reconnaître le virus en voyant son petit orteil et ils forment des soldats spécialisés au cas où. Donc si un jour tu es infecté par le virus, bah ouais, juste en voyant son petit orteil, ton système immunitaire est capable de réagir super vite et de lui foutre la raclée de sa vie de petit bâtard de virus. Du coup, tu tombes pas malade, le virus peut pas se multiplier et tu contamines (probablement) pas les autres. Cool, hein ?

Tu vois, dans toute cette histoire, il n’y a pas une seconde où l’ARNm du vaccin ait l’occaz de faire connaissance avec ton ADN. Surtout que c’est dur, la vie d’ARNm : tu donnes ton mode d’emploi au ribosome et pouf ! tu te fais éliminer en quelques heures. Pas d’avenir pour ce pauvre ARN, pas de plan de carrière. Il fait son boulot et il meurt.

Ton ADN et toi pouvez dormir tranquille.

  • J’ai peur des effets indésirables.

OK, moi non plus, je ne suis pas fan des effets indésirables. Mais si tous les médicaments avaient des effets indésirables aussi cools que ce vaccin, la vie serait vachement plus belle. (Tu me crois pas ? vas donc voir les effets indésirables possibles avec cet antibiotique de cheval !) Avec le vaccin, un peu mal dans le bras, voire quelques symptômes qui ressemblent à une petite grippe… on peut supporter ça pour sauver papy, non ?

Pour être honnête, on n’est jamais à l’abri de rares cas d’effets plus graves. Mais c’est pas si souvent qu’on peut dire ça  : là, il y a déjà des millions de gens qui l’ont reçu, et les agences de sécurité des différents pays, autant te dire qu’elles surveillent tout ça de très, très près. Jusque-là, rien d’inquiétant.

En plus, la bonne nouvelle, c’est qu’avec ce genre de médoc, les effets, ils arrivent rapidement. Parce que, comme je te l’ai expliqué au-dessus, l’ARNm, il est détruit très vite. Il va pas continuer à se balader dans ton corps pour foutre le bordel. Il fait son boulot, le même boulot que l’ARNm naturellement présent dans ton corps, et il se fait dézinguer.

Du coup, vraiment… tu as peur d’un petit bobo au bras, un grand garçon comme toi  ?

  • Je ne veux pas qu’on m’injecte des micro-puces pour contrôler mon cerveau avec la 5G  !

Ouais, mais là… nan.

Je veux bien être gentille, je veux bien essayer de t’expliquer les choses avec des mots simples, mais y a des limites.

Je sais pas, moi. Désactive le wifi, la 3G, la 4G, la 5G et la 6G sur ton téléphone et regarde si ton cerveau marche mieux. Si ce n’est pas le cas, le problème vient d’ailleurs. Redémarre, formate, fais une mise à jour… et je ne parle pas de ton téléphone, là.

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Blague à part, quand on a 1,7 million de followers sur Insta, on porte une lourde responsabilité, mon ami. En tant que petit gars dans ton coin, tu as le droit d’avoir peur et même de refuser le vaccin. C’est beau, la démocratie quand-même. Mais tu n’es pas un petit gars dans ton coin, tu es une célébrité influente, surtout quand tu parles à la radio.
La personne qui est le plus à blâmer, dans l’histoire, c’est cette journaliste qui n’aurait jamais dû te poser cette question. Mais ce que tu as fait, toi, c’est pas bien, mec, c’est vraiment pas bien.

Maintenant, si tu as d’autres questions, je reste à ta disposition.

Bisous.

https://www.infectiologie.com/UserFiles/File/emergences/plaquette-illustration-vaccins-covid.pdf

Jouir.

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Il y a plus d’une façon de prendre son pied, dans la vie.

Mais celle-ci reste ma préférée.
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La vérité et la liberté

Photo apaisante sans rapport avec le sujet

Les deux réponses en vogue pour couper court au débat.

1. «  Tu ne détiens pas la vérité, ni toi ni moi ne détenons la vérité.  »
2. «  Chacun est libre de penser ce qu’il veut.  »

Détenir la vérité, ça n’a pas beaucoup de sens. Mais admettons qu’il s’agisse en fait de «  connaître la vérité  ». Comment se construit la connaissance d’une vérité  ? Par l’exploration des hypothèses, pour celui qui dispose des outils d’une telle exploration. Par adhésion, par sympathie (au sens vibratoire du terme), pour les autres. Cette vérité vous parle, vous plaît, elle fait écho à votre vision du monde. Vous la faites vôtre, vous l’adoptez. Et vous recherchez ensuite tout ce qui peut la corroborer. Les algorithmes et les bulles sociales étant bien faits, vous n’avez même pas vraiment besoin de chercher, en général. Mais quelques fois, vos bulles se chevauchent et vous vous retrouvez confrontés à l’altérité. Maintenant que vous «  connaissez la vérité  », comment réagir  ? En supposant que l’autre s’est construit sa vérité de la même façon que vous et que sa vérité est sur un pied d’égalité avec la vôtre.
Aucun de nous ne détient la vérité, en vérité [sic], ça veut dire  : «  Ton opinion vaut la mienne.  »

Sauf que non. Quand on parle de science, toutes les opinions ne se valent pas, truthwise.

La science fonctionne par tâtonnements. Elle n’est pas infaillible. Les humains qui la font, non plus. Elle se trompe, elle se corrige. Oui. Mais elle avance. Toujours  ! Justement parce qu’elle se corrige, qu’elle accepte sa faillibilité. Un scientifique qui fait des erreurs est un scientifique. Qui fait des erreurs. Mais un scientifique qui refuse d’admettre ses erreurs est un mauvais scientifique, voire cesse d’être un scientifique.
Et si la science fonctionne, c’est grâce à la méthode. La systématisation des méthodes, reproductibilité, comparabilité, j’en passe et des meilleures.

Bref. Pour reprendre les mots de R. Dawkins  : si vous fondez la médecine sur la science, vous guérissez des gens, si vous concevez les avions en vous fondant sur la science, ils volent, si vous concevez les fusées en vous fondant sur la science, ils atteignent la lune… «  It works, bitches  ».

Sauf, bien sûr, si vous préférez une bonne saignée pour guérir votre hémophilie  ? Ou si vous pensez encore que «  Opération Lune  » était un documentaire édifiant destiné à vous révéler la vérité que les puissants veulent vous cacher  ? Si vous pensez que c’était mieux avant, avant la science  ?

Et nous qui ne sommes pas des scientifiques  ?

Chat plutôt mignon pour potentialiser l’effet apaisant

Nous n’avons pas les moyens de construire une vérité scientifique. Nous ne pouvons que «  croire par délégation  », c’est-à-dire choisir à qui nous accorderons notre confiance. Lourde responsabilité. D’autant que pour savoir si une parole est fiable, il faudrait déjà disposer d’un certain bagage scientifique.
Si vous n’êtes pas prêts à vous farcir des heures de lecture assez peu sexy, souvent ardue, il vous reste une option  : l’humilité. Consentir à ne pas avoir d’avis. Savoir reconnaître quand quelqu’un s’est donné un peu plus de peine que vous pour accumuler des connaissances. Et la patience. Parce qu’à terme, la vérité scientifique se consolide et il ne reste plus grand monde pour la contester. (Enfin… on n’est jamais à l’abri d’une vague de platisme, mais bon, hein.)

Alors, oui, chacun est libre de penser ce qu’il veut. Et vous remarquerez que, vous avez beau ânonner ce mantra à longueur de réseaux sociaux, personne ne vous a jamais contesté cette liberté, en fait. Jamais  ! Alors même que vous ne faites que répéter des choses que, souvent, vous ne comprenez pas. Avec l’assurance éhontée du petit savant gonflé d’ultracrépidarianisme. Tout ce qu’ils ont fait, ces emmerdeurs, ces empêcheurs de sachoir en rond, c’est exposer, argumenter leur point de vue. Mais ce que vous dites vraiment, vous, là, c’est «  laisse-moi tranquille, je ne veux pas discuter, laisse-moi croire ce que je veux  ». D’accord. Vous avez raison  : vous êtes libre de penser ce que vous voulez. Libre au sens où vous en avez le droit. Demandez-vous peut-être si vous êtes aussi libre que vous le pensez. Libre, au sens d’en avoir le choix. Car cette liberté-là n’est pas acquise. Elle se conquiert, à force de connaissances.
Par contre, vous serez toujours libre de ne pas avoir d’avis. Et ce sera parfois le choix le plus sage.

Long, l’hiver

Découvrir l’hiver avec les yeux d’un chaton de dix mois…

Attendre le printemps avec l’impatience d’un humain de cent ans…


Humeur du jour

Humeur du jour

Bloguons un peu

21 janvier 2021

Un journal, pas intime pour deux sous. Juste l’envie de susurrer une idée, de lâcher une image. C’est l’inauguration de l’humeur du jour.
Une pensée, un coup de gueule, une petite histoire. Trois fois rien, un peu tout et, pourquoi pas, n’importe quoi. De toute façon, ce n’est pas comme si quelqu’un allait échouer, intentionnellement ou par accident, sur ce radeau en perdition, dans l’infinie vacuité de l’océan du net.

C’est sans doute ça la liberté.

Gamine, j’ai écrit un poème dont j’étais assez fière. De mémoire, ça donnait ça :

Flamme de désespoir
Océan d’amertume
Âme perdue ce soir
À l’horizon l’écume
Sur le sable déchire
Les vagues qui t’emportent
Vers un lointain empire
Où l’aurore t’escorte

ouais…

Il faut bien le dire, ça n’a pas beaucoup de sens. Du feu, de l’eau. Du soir, de l’aurore. Sans compter un gros problème de perspective : des vagues qui viennent s’échouer sur le sable, à l’horizon, et qui, dans le même élan, t’emportent vers un lointain empire. J’en ai la nausée.

J’étais gamine, mais pas totalement crétine. Je me suis bien rendue compte de la bizarrerie de la chose.
Et pourtant, je m’en foutais. Si je veux être honnête, aujourd’hui encore, je m’en fous pas mal.
Désespoir, amertume, la perte qui vous brûle et vous noie tout à la fois. L’horizon qui vous semble tout proche au crépuscule et vous vole vos plus intimes illusions quand l’aube pointe son nez. La déchirure, cruelle, qui fait mine de vous bercer dans le va-et-vient des vagues.

Cette émotion-là, c’était mon émotion du jour. Probablement le seul poème que je ne renie pas. Je ne me souviens pas de ce qui me l’a inspiré, mais l’émotion est intacte après plusieurs décennies.