Doute douteux.

Quand on parle des personnes qui partagent en masse le moindre fake et qui adhèrent à toutes les théories fumeuses (pas nécessairement complotistes, mais indubitablement sans fondement) allant dans le sens dans leur défiance, il est de bon ton de conclure que ces personnes adoptent une bonne démarche, celle du doute, mais de la mauvaise façon, qu’elles doutent de la parole officielle, politique, médiatique, scientifique, mais omettent d’appliquer la même prudence face aux paroles non officielles.

Ça me pose un petit problème.

J’ai quand-même du mal à considérer que ces personnes soient dans une posture de doute, de façon générale. Elles le pensent, c’est sûr, oui. Mais j’ai plutôt l’impression qu’elles sont convaincues d’emblée que toute parole officielle est un mensonge, ce qui explique la confiance excessive qu’elles accordent d’emblée à n’importe qui venant contester cette parole.

Je ne vois pas beaucoup de doute là-dedans.

Big Pharma, les vaccins et les gros sous.

On peut être dans le vrai et, dans le même temps, avoir tout faux. Car le réel est souvent complexe, mais l’esprit humain raffole de simplicité. Heuristique, quand tu nous tiens…

Argument courant (parmi d’autres) de la défiance à l’égard des vaccins, et ceux contre la COVID-19 n’y échappent pas : la cupidité des labos. « Tout ce qui intéresse l’industrie pharmaceutique, c’est le fric. Ils sont donc prêts à nous sortir des vaccins inefficaces et/ou dangereux juste par appât du gain. Je n’ai pas confiance, je n’en veux pas. »

C’est vrai, nous vivons dans une économie capitaliste. Ces entreprises cherchent le profit. Et on peut estimer que c’est un problème puisqu’il s’agit de santé. Mais dans ce cas, il faudrait envisager de voter pour des gens qui aspirent à développer une recherche publique solide et des laboratoires tout aussi publics (ça existe, des gens comme ça  ?), plutôt que d’attendre d’un secteur privé dans une économie ultralibérale qu’il se comporte comme un organisme à but non lucratif.
Mais c’est un autre sujet.

Donc oui, «  Big Pharma  » veut remplir la tirelire. Sauf que…

  • D’une, les vaccins, bah, c’est franchement pas ce qui rapporte le plus. Ça coûte cher à développer. Parfois, les recherches échouent, et là, c’est pure perte. Mais même quand ça marche, ça se vend bien moins cher que pas mal de médocs prescrits en masse et au long cours. Du coup, au final, la marge de profit, elle est assez bof.
  • De deux, les meilleurs clients, les plus gros consommateurs de médicaments, figurez-vous, c’est les personnes âgées, qui sont aussi les principales victimes de la COVID-19. Dès lors, si la prémisse « Big Pharma veut faire des thunes » est juste, on se rend bien compte qu’en déduire « ils se foutent de l’efficacité ou de la sécurité de leur vaccin » est un non-sens. Pour continuer à vendre des traitements aux vieux, il est quand-même préférable que les dits-vieux soient en vie.

Ils ont donc intérêt à ce que leurs vaccins soient sûrs et efficaces. Pour le prestige de l’entreprise (non négligeable pour la pérennité économique), pour sauver leurs propres fesses aussi (parce que le virus, hein, il ne s’arrête pas à la porte des labos), mais surtout pour pouvoir continuer d’engranger du pognon. Vous trouvez ça cynique  ? Sans doute, oui. La loi du marché n’a pas de morale.

Néanmoins, vous pourriez y voir une raison d’être rassurés : vous pouvez vous faire vacciner en confiance, tout en conservant votre pleine défiance à l’égard de ces salops qui, exceptionnellement*, vous veulent du bien, pour leur propre bien.

* En vrai, ça n’a rien d’exceptionnel. C’est même un peu sur ce principe que s’appuient les pouvoirs publics pour livrer la santé aux intérêts privés tout en gardant bonne conscience. Parce qu’ils œuvreront pour le bien général, même si c’est pour de mauvaises raisons. Sauf que ça ne marche pas toujours…