Mauvaise mémoire

Celui qui pense avoir une bonne mémoire s’expose davantage au risque de se fourvoyer. Tout simplement parce qu’il lui accorde une confiance aveugle. Or, qu’on la pense bonne ou qu’on la sache faillible, notre mémoire nous trompe, inéluctablement.

Et pourtant, nous avons besoin d’elle. Pour construire notre vie, pour écrire notre fable personnelle, pour élaborer notre être au monde, pour penser, pour ressentir, pour réfléchir.
Notre fondation : un château de sable, mouvant.

J’avais écrit, pour la chanson Recuerda  : « Nuestras memorias están tan llenas de las mentiras de nuestras amnesias » (Nos mémoires sont tellement pleines des mensonges de nos amnésies).
Il faut croire que les personnes, comme les peuples, bâtissent leur histoire sur des mensonges.

Peut-être n’est-ce pas si grave. Peut-être est-ce même nécessaire, parfois. Je crois, néanmoins, que l’on gagne toujours à rester lucide, même lorsque l’on se ment.

Réflexion inaboutie sur l’impudeur

À première vue, cette photo pourrait sembler impudique. Et pourtant, on n’y voit rien que la bonne morale chrétienne soit susceptible de réprouver. Rien de plus que ce que pourrait dévoiler une tenue de soirée ou de plage, et encore. Mais bien sûr, c’est ce que l’on ne voit pas qui rend l’image « suggestive ». Ainsi que ce que l’on déduit de la position du bras, qui semble vouloir cacher quelque chose, alors qu’il n’en est rien : elle ne fait que montrer le dessin du tatouage.
Mais quand bien même.
L’impudeur est-elle un crime, un péché, un défaut de caractère ?

Savez-vous qu’en anglais, le même mot, « modesty », peut traduire l’idée de « pudeur » et de « modestie » ?
Plus perturbant encore, ce que mes dictionnaires me donnent pour l’impudeur : « indecency », « shamelessness » pour l’un, et « audacity », « cheek », « immodesty », « impropriety », « impudence », « nerve » pour l’autre.
Quand je vous dis que nous sous-estimons toujours les valeurs portées par le langage… Les mots ne sont pas, ne sont jamais, de simples outils innocents.

Bref. M’est avis que.
L’indécence n’existe que dans les yeux de celui qui regarde.
In all modesty, let’s be immodest.

L’amour dure trois ans

Si vous êtes de ceux qui pensent vraiment que l’amour dure trois ans… peut-être n’avons-nous pas la même définition de l’amour.

Bien sûr, cette chose que vous prenez pour de l’amour, elle est belle, elle est jouissive. Un peu fourbe aussi, parée de tous les atours de l’illusion. Vouée donc à s’évaporer. Et venu ce moment fatidique, vous en concluez que l’amour est mort.

Quelle erreur !

Si amour il y a, si amour il doit y avoir, c’est précisément là qu’il prend naissance, fragile et balbutiant. Lorsque peu à peu vous cessez de fantasmer l’autre et que vous tombez amoureux de sa vérité brute.
Aux premiers jours, quand vous voyiez briller ses yeux, vous vous sentiez tout chose. Lui plaire, c’était la grande affaire. Le temps passant, le temps passé, quand vous voyez briller ses yeux, c’est une toute autre affaire. Ce n’est plus votre reflet que vous y voyez, c’est son bonheur à lui.

Vous n’êtes plus amoureux d’une idée, vous êtes amoureux d’une personne.

#metoo, mon cher Sigmund

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-les-fantomes-de-l-hysterie-histoire-d-une-parole-confisquee

Où l’on découvre que ce cher Freud aurait peut-être pu ne pas si mal tourner. Si seulement…

Pour faire simple :

Il a assisté avec le plus grand intérêt aux freak shows, pardon, aux leçons de Charcot, qui exhibait ses « hystériques ». Contrairement à ce dernier, il n’est pas resté sourd aux mots de ces femmes et a noté qu’il y était systématiquement question de violences sexuelles, d’abus. Il en a déduit que cet état devait découler de ces traumatismes.

Et puis…

Lorsque, ensuite, il a reçu ses bourgeoises (celles qui paient), il a fini par se dire que non, ce n’était point possible qu’elles soient si nombreuses à avoir été violentées. Et puis, que leurs gentilhommes de pères, d’époux, etc., ne seraient point capables de telles choses, non, non.

Alors…

C’est là que c’est parti en cacahuète.

Pour réconcilier ses dissonances, il a conclu que ce n’était donc pas nécessairement l’acte qui les avait mises dans cet état, mais… le fantasme de l’acte.

Et voilà comment Monsieur Sigmund est passé du côté obscur.
Peut-on l’en blâmer, plus d’un siècle avant la « libération de la parole », alors qu’aujourd’hui encore, certains ont du mal à accepter l’ampleur de la chose ?

Oui.

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Ce « détail » mis à part, il est question dans ces émissions d’endométriose, de femmes battues, d’épilepsie, de troubles neurologiques, de psychanalyse, de justice, de politique, de spectacle, d’histoire, et plus encore, disant en filigrane une misogynie qui décidément ne veut pas passer son chemin, même à l’ère de #metoo. Tant qu’il reste en ligne, allez donc y jeter une ou deux oreilles. Vous en ressortirez grandis.

Fleurir en hiver

Ce qui rend la mousse à mémoire de forme si plaisante, c’est qu’elle réussit l’exploit d’être tout à fait molle et, dans un même temps, d’opposer une irréductible résistance à la pression.

Somehow, I can relate.

Fatalité

Dieu est le nom que certains donnent à la fatalité. Mais la fatalité n’est pas un dieu. Pour preuve, elle existe.

Et s’il est stérile de l’idolâtrer ou de la craindre, il est utile en revanche d’apprendre à la connaître pour en déceler les discontinuités, car elles sont les seules portes vers une certaine forme de liberté.

Lorsqu’on en a le luxe, s’entend.

Voilà

Ce que je m’échine à bafouiller depuis longtemps, ce que j’entends par « invisibilisation du genre », voilà, elle le dit bien mieux que moi.

Laissons le genre à sa place dans la vie de nos sociétés.

Ce qui n’a rien à voir avec la scandaleuse invisibilisation des femmes dans l’histoire, de l’humanité, de la science, de la culture, etc., ni avec la prise en compte poussive du sexe dans les questions de santé, par exemple.